Pourquoi l’immobilier ne baissera pas (beaucoup)

Depuis plusieurs mois, les médias véhiculent l’idée d’une forte baisse des prix immobiliers pour 2024. Pour beaucoup d’experts elle serait même déjà là. En réalité, Meilleurs Agents prévoit un recul des prix de l’immobilier de -4% d’ici fin septembre 2024 avec un volume annuel de 800 000 transactions, soit une baisse de 10% par rapport à 2023. Même si beaucoup d’arguments plaident pour une baisse des prix à venir, d’autres arguments, encore plus forts, plaident pour une baisse relativement limitée.

Des taux fixes qui n’incitent pas les propriétaires à vendre

En France, les taux sont fixes, et en septembre 2023 ils sont autour de 4,44% sur 25 ans selon le site meilleurstaux.com. Les propriétaires qui ont contracté des crédits aux environs des 1% ces dernières années n’ont absolument aucun intérêt à revenir sur le marché pour vendre leurs logements, sauf bien entendu, contraintes majeures.

Lorsqu’un propriétaire d’un logement agréable à vivre et acquis aux moyens de crédits autour de 1%, ce dernier préférera ne pas prendre le risque de se confronter au marché actuel et particulièrement au marché bancaire. Un comportement d’actualité qui contribue à faire diminuer l’offre de logements disponibles sur le marché.

Une demande structurelle de logements qui explose

Une étude de l’ESCP Junior Conseil pour la Fédération des promoteurs immobiliers montre que la France aurait besoin de près de 5 millions de logements supplémentaires sur les dix prochaines années. Ce besoin étourdissant de logements, à l’achat comme à la location, s’explique notamment par la hausse du nombre de ménages du fait de la croissance démographique et des transformations familiales qui ont multiplié les ménages constitués d’une personne seule.

En effet, l’augmentation du nombre de divorces avec des gardes partagées génèrent de nouveaux besoins : un couple avec deux enfants a besoin d’un logement avec trois chambres, alors qu’un couple séparé en garde partagée a besoin de deux logements avec trois chambres.
Du fait du vieillissement de la population, une inadéquation entre la taille des ménages et celle de leur habitation s’observe, où de grands logements sont souvent occupés par des personnes seules ou des couples dont les enfants ont quitté le foyer familial.

Un cadre légal qui organise la rareté

L’inflation galopante des normes environnementales et l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) ont pour effet immédiat de rarifier l’offre, notamment là où le foncier est déjà onéreux.
En effet, la loi ZAN demande aux territoires, communes, départements, régions de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. L’objectif de cette loi étant d’atteindre le zéro artificialisation nette d’ici à 2050.

De plus, la nouvelle réglementation environnementale la RE2020 a déjà fait grimper les prix de l’immobilier neuf de 5 à 10%, selon certains professionnels du secteur.

À cela vient s’ajouter l’envolée des prix des matériaux. Cette hausse des coûts des matériaux a engendré une hausse des prix de l’immobilier neuf, mais aussi de l’ancien par ricochet.
Tout le contexte réglementaire et conjoncturel crée une offre structurellement insuffisante, qui a comme conséquence d’organiser la rareté pour la production de nouvelles unités d’habitations alors que le besoin des ménages est croissant. L’incidence est que « La rareté du fait donne du prix à la chose » pour reprendre la citation de Jean de la Fontaine.

Une inflation favorable à l’emprunteur

Les salaires progressent en partie avec la hausse des prix, mais pas les mensualités des emprunts. Par conséquent, le poids relatif de l’emprunt au sein des revenus décroît. La période semble donc tout à fait propice à un achat immobilier même si pour le moment c’est la hausse des taux qui occupe tous les esprits. En prenant en considération le contexte économique, dès lors les taux d’emprunts s’élèvent 4,44 % en moyenne alors que l’inflation sur l’année 2023 avoisine les 4,9 % selon les valeurs de l’INSEE en septembre 2023, le fait de souscrire un emprunt reste un choix judicieux et ce d’autant que les prêts peuvent être renégociés en cas de baisse des taux d’intérêts.

La peur de l’inflation va aussi renforcer le statut de valeur refuge de l’immobilier. En effet, placer aujourd’hui ses économies sur un livret A rémunéré à 3%, c’est la garantie de les voir perdre de la valeur puisque la rémunération de ce type de placement sera toujours inférieure à l’inflation. Il est d’ailleurs probable qu’en 2024, la hausse des salaires et des loyers compensera en grande partie la hausse des taux.

Même s’il est évident que les années d’excès et d’euphorie passées doivent être purgées, et pour toutes les raisons ci-dessus évoquées, il n’est pas du tout certain qu’une baisse significative des prix de l’immobilier se produise pour les années à venir. En attendant, les médias produisent de l’audience à bon compte !

Sébastien JOUËT

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